Le colloque L’Enseignement Supérieur et la Recherche (ESR) en questions : regards croisés des sciences sociales, qui s’est tenu du 15 au 17 octobre 2024 à l’Université de Poitiers, a offert un panorama complet des transformations majeures que connaît l’enseignement supérieur et la recherche (ESR) en France. À travers diverses sessions parallèles, plénières et tables rondes, les participants ont exploré les multiples facettes de ces changements et leurs implications pour l’avenir du secteur.
1. L’autonomie croissante des universités
L’un des thèmes centraux du colloque a été l’autonomie accrue accordée aux universités françaises. Christine Musselin, enseignante-chercheuse à Sciences Po Paris, a souligné l’importance de la loi LRU de 2007, qui a marqué un tournant en octroyant plus de liberté aux présidents d’université et aux instances dirigeantes. Cette autonomie s’est traduite par :
- Le transfert de la gestion de la masse salariale aux universités
- Une plus grande flexibilité dans la gestion des postes
- La professionnalisation et la centralisation des services administratifs.
Ces changements ont profondément modifié la gouvernance universitaire, renforçant le rôle des équipes dirigeantes dans la définition des stratégies institutionnelles.
2. La mise en compétition de l’enseignement supérieur
Un autre aspect crucial abordé lors du colloque est la transformation du système universitaire français, passant d’un modèle basé sur l’équivalence à un système valorisant l’excellence et la performance. Cette évolution s’est manifestée par :
- L’introduction de politiques incitatives et d’objectifs d’excellence
- La généralisation du financement sur projets
- La mise en place de systèmes d’évaluation plus rigoureux.
Ces changements ont conduit à une compétition accrue entre les établissements, influencée mais non déterminée par les classements internationaux.
3. La recomposition du paysage universitaire
Le colloque a également mis en lumière les efforts de restructuration du paysage de l’ESR français, notamment à travers :
- La création de structures de coopération comme les PRES et les COMUE
- Une vague de fusions d’établissements, parfois qualifiée de « merger mania »
Cependant, les résultats de ces initiatives se sont révélés mitigés, avec une tension persistante entre logique territoriale et logique scientifique. La disparition progressive des COMUE illustre les défis de cette recomposition.
4. Impact sur les enseignants-chercheurs et les étudiants
Le colloque a abordé les conséquences de ces transformations sur le travail des enseignants-chercheurs et le parcours des étudiants :
- L’analyse des tensions du métier d’enseignant-chercheur, entre satisfaction et insatisfaction
- L’étude de l’impact de la durée de thèse sur l’insertion professionnelle des doctorants
- La question de la précarité dans les parcours académiques
5. L’université et son territoire
Un aspect important discuté lors du colloque concerne le rôle de l’université dans le développement territorial :
- L’impact des décentralisations universitaires sur l’innovation dans les villes secondaires
- L’évolution historique de la carte universitaire et ses implications spatiales
- Le renforcement des métropoles et grandes villes, posant des défis pour les territoires moins centraux
Conclusion
Le colloque L’Enseignement Supérieur et la Recherche (ESR) en questions : regards croisés des sciences sociales a mis en évidence un paysage universitaire français en profonde mutation. Les transformations observées ont conduit à une plus grande diversité des établissements, avec une priorité donnée au modèle de la grande université de recherche. Cependant, ces évolutions soulèvent également des questions cruciales sur l’avenir des autres types d’établissements et sur l’équilibre entre compétition et coopération dans le secteur de l’ESR. L’hétérogénéité des réponses institutionnelles à ces politiques témoigne de la complexité des enjeux et de la nécessité de continuer à réfléchir sur l’avenir de l’enseignement supérieur et de la recherche en France.